Voulons-nous sauver le breton ?

Voulons-nous sauver le breton ?

 

Et si beaucoup de ce que nous faisions pour la langue bretonne ne rimait à rien ? J’entends par là, sommes-nous certains des effets positifs de notre action collective en faveur de la revitalisation de notre langue ? J’ai malheureusement de mon côté de sérieux doutes. Je pense que le breton actuellement enseigné (dans les écoles, les cours du soir, les formations pour adulte) est problématique. Je pense, et je ne suis pas le seul, qu’il est un frein au seul objectif qui vaille dans notre situation, celui de la resocialisation de la langue.

A l’heure où des universitaires tentent de tirer la sonnette d’alarme, où le milieu occitaniste prend la question à bras le corps à la suite du texte remarquable d’Eric Fraj, où les Corses mettent en œuvre une stratégie de revitalisation originale, allons-nous faire comme si de rien n’était et continuer dans l’impasse actuelle ?

J’aimerais par ce texte inviter à s’interroger sur les conséquences de certaines de nos pratiques pédagogiques quant à la langue que nous promouvons. N’oublions pas que la langue bretonne de demain, c’est la langue que nous enseignons aujourd’hui. Dès lors, il importe de réfléchir sérieusement à ces questions essentielles, bien que trop peu posées dans le contexte actuel de déficit de réflexion collective : Dans quel but sauver le breton ? Pour parler avec qui ? Au fond, quelle langue voulons-nous sauver ?

1. L’impasse actuelle

1. Echec de la resocialisation

Nous, acteurs de son renouveau, faisons mine de sauver la langue bretonne. En réalité, nous sommes en train de passer à côté de l’essentiel. Nous sommes en train, remplis de bonnes intentions, d’échouer à resocialiser la langue. Elle devait être une continuation de pratiques langagières multiséculaires, un pont entre générations, une base du vivre ensemble. La langue que nous promouvons et enseignons n’est rien de tout ça. Nous devions renouer avec la fameuse « chaîne de la transmission ». Plus le temps passe et plus l’échec est patent.

La langue standard, avec l’ensemble des pratiques langagières diverses que cette notion recouvre, a sa dynamique propre, sans contact ou presque avec les locuteurs authentiques. Il en résulte un appauvrissement très inquiétant de la syntaxe et du génie de la langue chez la nouvelle génération de bretonnants. Le plus souvent, on a affaire à une langue calquée sur le français quoique recouverte d’un vernis lexical hyper-breton. Ce vernis est lui-même problématique puisque constitué d’une pléthore de néologismes (sur lesquels il y a de quoi dire), d’hypercorrectismes, d’étymologismes et d’archaïsmes. L’universitaire américain Steve Hewitt va jusqu’à qualifier ce breton standard de « conservateur, [contenant des] formes minoritaires, ignorant l’usage majoritaire » (TdA, The problem of neo-speakers in language). Cela devrait interpeller. Que l’on pense par exemple à la préposition eget, forme hyper minoritaire (trois points sur l’Atlas Linguistique de la Basse-Bretagne de Pierre Le Roux [ALBB, 1927], parmi lesquels Ouessant et Molène) et pourtant massivement enseignée alors que l’usage très largement majoritaire est evit.

Cependant, la conséquence majeure de cette déconnection entre le mouvement breton et la communauté linguistique bretonnante pour laquelle il est sensé se battre, est la perte d’une prosodie authentiquement bretonne. C’est ce qui saute immédiatement à l’oreille, des bretonnants natifs comme des étrangers. Si pour ces derniers, cela n’a guère d’importance, pour les premiers en revanche, ils ne reconnaissent pas, ils ne peuvent reconnaître leur langue. De là nait un sentiment d’étrangeté envers ce breton de la nouvelle génération, qui s’avère différent dans tous ses aspects de la langue traditionnelle.

De surcroit, la langue standard orale des néo-locuteurs se révèle très influencée par l’écrit. Steve Hewitt en fait la démonstration à partir d’une étude de cas (in The problem of neo-speakers in language). Or, l’orthographe peurunvan est problématique sur de nombreux points et engendre de multiples erreurs de prononciation, notamment quant à la question des consonnes finales et des liaisons consonantiques. Cela témoigne assurément d’une importance trop grande donnée à l’écrit dans l’apprentissage actuel du breton.

Un exemple, parmi des quantités d’autres, me parait significatif de cet état de fait. D’après l’ALBB, le numéral daou prononcé /daw/ se trouve uniquement dans les îles de Batz, d’Ouessant et de Sein, ainsi qu’en trois autres points dans le Léon, le Vannetais et le Goëlo. Tout le reste de la Basse-Bretagne (variantes vannetaises à part) prononce /dow/. Autant dire qu’aujourd’hui, la seule prononciation en vigueur parmi les locuteurs héritiers est /dow/. Pourtant, c’est bien la prononciation /daw/ qui se dit à la radio, s’enseigne dans les écoles et les cours du soir, respectant en cela davantage l’orthographe du mot que l’usage oral ultra-majoritaire. Certes, cet exemple précis n’est pas forcément problématique sur le plan de l’intercompréhension. Mais, en plus de renforcer le sentiment d’étrangeté dont je parlais plus haut, il dévoile à mon avis un travers préoccupant du mouvement pour la langue : on ne recherche pas la fidélité à ce que dit le peuple.

On me rétorquera que le breton n’échappe pas à l’évolution, comme toutes les autres langues, la perte d’une prosodie authentiquement bretonne en étant une conséquence. Le problème est qu’on ne peut pas véritablement parler d’ « évolution » à mon sens. Nous sommes bien davantage confrontés à une rupture radicale avec deux langues au final très différentes. L’effet cumulé de la perte de la phonologie bretonne et du développement hégémonique d’une langue standard dont quantités de caractéristiques sont discutables, rend tout bonnement l’intercompréhension entre générations impossible.

Pour s’en convaincre, on peut écouter l’émission Skol de RKB. L’impression générale (lorsque l’on entend les enfants s’exprimer spontanément, ce qui n’est pas forcément une évidence) est celle d’un breton coupé de son environnement immédiat. C’est une évidence sur le plan phonologique, mais ça l’est aussi sur les plans morphosyntaxique et lexical. On ne peut s’empêcher de penser que ce breton scolaire, celui des enseignants, puisqu’aujourd’hui rares sont les enfants à entendre du breton en dehors de l’école, se désintéresse de ce qui se dit en dehors de l’école. Dès lors, peut-on en vouloir aux anciens lorsqu’ils assènent le trop fameux « ce n’est pas le même breton ? ». Je ne crois pas. Ils ne font qu’énoncer une vérité constatative.

Ce fossé béant entre breton scolaire et breton authentique a un effet dévastateur sur les représentations des uns et des autres quant à la langue. Les locuteurs natifs, constatant que leurs propres pratiques langagières ne sont pas valorisées ni même reconnues, nourrissent un sentiment d’infériorité face à ce breton littéraire, considéré comme le « bon breton ». Le sociolinguiste Philippe Blanchet dit à ce sujet que « le standard renforce la représentation négative que les locuteurs spontanés ont de leurs parlers familiers. » (Philippe Blanchet, Discriminations : combattre la glottophobie, 2016, p103). Les enfants, les jeunes (et certains enseignants ?) ont tendance à considérer la langue de l’école comme la seule correcte et ne peuvent fort logiquement que dénigrer le « breton dégénéré » des anciens. Dans tous les cas, les uns et les autres entérinent l’impossibilité de la communication et échangent en français, malgré les bonnes volontés éventuelles. L’effort de redémarrage de la transmission est tué dans l’œuf.

Au final, nos écoles sont de véritables îlots linguistiques, fermées qu’elles sont aux pratiques langagières de l’extérieur. C’est d’autant plus regrettable qu’une grande majorité d’élèves a au moins un bretonnant natif dans sa famille. Eric Fraj dénonce avec justesse ce repli sur soi linguistique, strictement identique dans les cas breton et occitan :

« Vouloir (re)socialiser l’occitan en enseignant une langue « hors sol », coupée du vivier linguistique territorial (lequel n’est pas encore asséché, quoi qu’on en dise), est aussi vain et contreproductif que de vouloir apprendre à nager hors de l’eau, sans compter que c’est régresser en deçà des acquis pédagogiques d’un Antonin Perbosc ou d’un Célestin Freinet, lesquels ont su montrer toute l’importance et la pertinence de l’ouverture de l’école sur le milieu immédiat de l’élève ».

Sur ce plan, faire venir des intervenants bretonnants natifs dans la classe est évidemment une excellente chose. Elle le serait cependant davantage si l’enseignant en profitait pour adapter ses propres pratiques langagières à ce qui se dit aux portes de l’école.

A ce stade, on ne peut pas ne pas évoquer la question de la qualité de la langue enseignée, sous-jacente jusqu’ici. Le breton des élèves est aussi celui de leurs enseignants, et ce n’est pas sans poser problème quand ces derniers n’ont qu’une connaissance approximative de la langue qu’ils enseignent. La situation périlleuse de la langue bretonne peut-elle tout justifier ? Doit-on se contenter d’un faible niveau d’exigence quant à la qualité et à l’authenticité de la langue enseignée ? C’est ce que laisseraient penser certaines de nos pratiques. Il est vrai que l’affirmation « c’est déjà mieux que rien » est imparable. Pour autant, je ne crois pas qu’elle doive justifier un quelconque laxisme linguistique (que l’on retrouve d’ailleurs à l’écrit où le breton a de plus en plus tendance à s’écrire n’importe comment, et ce nonobstant la question des orthographes concurrentes).

Nous sommes pour la plupart des professionnels de la langue bretonne. Nous sommes quasiment les seuls modèles linguistiques de nos élèves. En tant que tels, nous devons avoir une double exigence de qualité et d’authenticité de la langue que nous enseignons, chose qui implique une recherche de perfectionnement permanente. A titre d’exemple, dès que je suis face à une incertitude en classe, je la note par écrit et je pose la question à ma grand-mère ou à quelqu’un d’autre dès que possible. Je consulte dans un second temps dictionnaires et grammaires. Si nous ne faisons pas cet effort de recherche de correction de la langue que nous employons, nous aurons une part de responsabilité importante dans la perte de qualité qui se dessine déjà sous nos yeux.

Car c’est également dans cette direction-là que nous mène un breton standard coupé de son substrat populaire. Il y manque soit la prosodie, soit la syntaxe, soit l’esprit de la langue, voire les trois à la fois. Face à ce problème, il semble urgent de se (re)plonger dans la langue authentique. Internet offre sur ce plan des ressources conséquentes qui n’existaient pas il y a seulement dix ans et qui permettent de se familiariser aux pratiques langagières toujours vivantes en Basse-Bretagne. Dès lors, on ne peut plus guère se cacher derrière la difficulté supposée que représente la confrontation avec les locuteurs naturels. Au passage, est-on véritablement bretonnant quand on ne peut tenir une conversation avec un locuteur natif ?

Si le constat est alarmant, de mon point de vue en tout cas, il ne semble pas émouvoir tant que ça de monde dans le mouvement linguistique breton (terme par lequel, vous l’aurez compris, j’englobe tous les acteurs de la sauvegarde de la langue bretonne). On ne peut que déplorer un manque de réflexion collective et de questionnement sur l’efficacité de ce que nous faisons, un manque de direction commune aussi. Les orientations de la politique linguistique de la Région ne sont que peu  discutées. La disparition de l’UGB laisse un vide en termes d’organisation structurée. On ne voit guère poindre de débats sur internet ou ailleurs. Au final, chacun est plus ou moins livré à lui-même et met en œuvre ses propres pratiques pédagogiques singulières sans certitude aucune sur leur efficacité.

 

Nous devons pourtant nous poser sérieusement la question de savoir dans quelle direction nous allons. Ce qui est sûr, c’est que nous n’avons pour l’instant pas pris le chemin de la resocialisation de la langue, condition de sa vie effective dans la société. Il ne tient qu’à nous d’inverser la tendance, sans quoi l’avertissement qu’adresse Fraj au milieu occitaniste s’appliquera aussi à nous :

« Qu’est-ce qui est finalement visé : l’instauration d’un idiome propre à quelques happy few (fussent-ils quelques milliers), l’établissement arbitraire d’une novlangue de l’entre-soi occitaniste, ou la revivification d’une langue historique et populaire, mal en point certes, mais encore réellement existante ? »

Le parallèle entre Occitanie et Bretagne est là aussi saisissant et doit inviter à réfléchir.

 2. Le purisme en question

Les langues ont deux fonctions, l’une communicative, évidente, et l’autre identitaire. Philippe Blanchet définit ainsi cette dernière : « elle caractérise et symbolise l’identification d’un groupe humain et social par rapport à d’autres groupes, dans lesquels on parle « autrement » (idem, p57). Précisément, dans le cadre breton, Steve Hewitt fait le constat que les « militants bretonnants […] s’évertuent à refaçonner la langue à leur guise afin qu’elle remplisse plus spectaculairement la fonction identitaire » (in La création terminologique en breton).

Lorsque l’on prend un peu de recul, on ne peut être que frappé par ce penchant du mouvement breton. La fonction communicative devait être prioritaire afin de réinstaller le breton comme langue d’usage de la société. Or, elle a été totalement abandonnée. L’objectif visé par le mouvement linguistique semble être bien davantage la recherche du symbole et du décorum. La question des emprunts au français est significative à cet égard. Alors que la langue populaire en fait un usage décomplexé, les tenants de la langue littéraire en ont fait depuis longtemps une chasse impitoyable, quitte à truffer le breton standard de néologismes incompréhensibles pour les non-initiés. Dans cette perspective, la qualité de la langue et son authenticité deviennent relativement secondaires du moment qu’elle endosse son rôle d’emblème identitaire en s’éloignant au maximum du français. On peut dès lors utiliser un lexique hyper-breton, débarrassé de ses emprunts au français et piochant allègrement dans le vieux-breton et le gallois, tout en parlant avec la phonologie et la syntaxe françaises.

Ce qui affleure derrière cette question des néologismes, c’est l’idéologie de la pureté. Il y a en effet un regard élitiste indéniable sur la langue depuis les origines du mouvement breton. Christian J. Guyonvarc’h va jusqu’à dire que « le breton littéraire contemporain est le résultat d’une réaction érudite et puriste » (Dictionnaire étymologique du breton ancien, moyen et moderne, p59). On méprise la langue populaire, trop francisée et trop rurale, on se détourne de l’existant et du vivant pour recréer une langue entièrement nouvelle. Au fond, « seule compte la langue telle qu’elle devrait être […] ce qui a pour conséquence que l’on préfère enseigner ce qui devrait se dire plutôt que ce qui se dit » (Fraj). Et nous faisons comme si la langue populaire n’existait pas, ou plus. En perpétuant et en reproduisant sans s’en apercevoir ces pratiques, nous nous montrons incapables de sortir du « rapport aux langues [qui] a été construit, en Occident et notamment en France aux XIXe et XXe siècles, dans le cadre d’une idéologie de la pureté et de l’homogénéité appliquée à l’ensemble des pratiques sociales » (Blanchet, idem, p76).

Le breton standard, non seulement imposé comme norme d’enseignement par la force des choses, se voit subrepticement érigé comme seul norme linguistique admise. Il m’est ainsi arrivé récemment de me faire reprendre par une personne, pleine de bonnes intentions, parce que j’utilisais en public le terme populaire « ’non dastum » au lieu du terme littéraire, mais inconnu parmi les locuteurs héritiers, « en em vodañ ». Sans penser à mal, elle n’en était pas moins convaincue que la forme littéraire était supérieure à la forme populaire. On se rend compte avec cet exemple de l’effet pervers d’une normalisation linguistique qui s’inscrit de facto contre la seule norme à mon avis valable, la norme d’usage.

En définitive, ce poids de la norme démontre de façon assez consternante que nous ne faisons que reproduire à notre niveau le pouvoir franco-jacobin. Les bretonnants natifs, déjà victimes de la politique glottophobe de l’Etat français, se retrouvent de surcroit exclus du mouvement de récupération de la langue bretonne. Philippe Blanchet souligne ce paradoxe : « même la mise en place de politiques linguistiques censées bénéficier à des variétés dominées passe souvent par la construction de normes standardisées de cette ou de ces variété(s) dominée(s), et c’est sur ces standards que portent ces politiques (et non pas sur les pratiques effectives des locuteurs, ainsi doublement rejetées) » (idem, p71). Nous luttons contre l’uniformisation et, sans le voir, la mettons en œuvre dans nos écoles.

L’imposition de cette norme standardisée serait justifiée par un impératif communicationnel, celui d’employer une langue à peu près identique aux quatre coins de la Bretagne pour faciliter la communication entre brittophones. L’idée sous-jacente est que la fragmentation dialectale est un obstacle à l’intercompréhension. Eric Fraj tord le cou à cette croyance issue du passé.

« Il nous est abondamment répété que pour la communication extra-locale, l’enseignement et les médias, il est mieux d’avoir un occitan « standard » ou une « langue commune » […] Pourquoi est-ce mieux ? On ne sait pas trop, l’argument est rarement développé, l’on a affaire à une idéologie de l’évidence, en laquelle les vérités ne se questionnent ni ne se contestent ».

La fragmentation dialectale, aussi frappante soit-elle, n’a jamais été un obstacle rédhibitoire à la communication extra-locale. Plusieurs bretonnants de ma commune me l’ont attesté. Ce que rappelle d’ailleurs Blanchet : « On voit ainsi que la communication linguistique des humains ne fonctionne pas sur la base de la « maîtrise d’une langue commune » homogénéisée et que, dès lors, la diversité ou variabilité des pratiques linguistiques n’est pas en soi un obstacle à la communication, aux relations, au vivre ensemble. » (idem, p62).

 

Si l’arrêt presque total de la transmission familiale a indéniablement mis en péril l’avenir de la langue, je pense malheureusement que certaines orientations données au mouvement de récupération de la langue ont un effet contreproductif. L’accent a été mis sur la régénération de la langue et son accession au rang de langue moderne, au point de davantage en faire un emblème identitaire qu’un véritable outil de communication entre générations. Dans quelle mesure cela a-t-il contribué à maintenir les masses populaires bretonnantes en dehors du mouvement de récupération de la langue ? La question doit être posée. Dans tous les cas apparait en filigrane le dévoiement d’un nationalisme qui s’est détourné du peuple par élitisme et qui a toujours privilégié, sur le plan linguistique, un « principe de plaisir » au « principe de réalité » (Fraj). Je suis pourtant convaincu qu’une autre direction peut être prise.

 

2. Une alternative est possible

1. Expérience personnelle

Mon apprentissage du breton a commencé après le bac, à 18 ans. Si j’avais le breton dans l’oreille avec une enfance passée à Bear, commune encore relativement bretonnante du Trégor rural, je ne connaissais alors pas plus d’une trentaine de mots à mon arrivée en fac. Presque rien pour ainsi dire. J’ai donc commencé un DEUG de breton à Rennes où il m’a fallu apprendre toutes les bases en une année, à raison d’une quinzaine d’heures par semaine. Dès les premiers cours, je me souviens particulièrement de l’émotion que me procurait d’entendre et d’apprendre des phrases ou des formules qui m’étaient familières, parce qu’entendues dans le cadre familial depuis l’enfance.

Déjà à cette époque, je savais quel breton je parlerai. C’était cette langue qui m’avait été dissimulée mais qui affleurait partout autour de moi. C’était le breton de mes grands-parents, celui de ma commune. C’est pour cette raison que je me suis très rapidement mis à interroger ma grand-mère afin d’adapter le breton que j’apprenais à celui auquel j’étais, sans véritablement le savoir, viscéralement attaché. La pauvre, je lui demandais de me traduire des listes de phrases à partir du français, tâche à laquelle elle se pliait de bonne grâce mais tout en se demandant à quoi cela pouvait bien rimer. Très vite, cela me permit de mesurer l’écart séparant les deux bretons auxquels j’étais confronté.

Néanmoins, j’étais lors de ces années universitaires habité par une autre tentation, celle d’apprendre un breton pur. La langue encore parlée dans les campagnes de Basse-Bretagne était considérée, à raison, comme très appauvrie sur le plan lexical. Je me plongeais alors corps et âme dans ce qui me parut être le graal, le Trésor du breton parlé de Jules Gros. J’y conciliais en quelque sorte ma quête de la langue populaire et la recherche de pureté. Avec le recul, j’estime avoir perdu du temps et m’être détourné de l’essentiel, la communication orale avec les bretonnants natifs. Les livres seront encore là dans 20 ou 30 ans, quantité d’excellents bretonnants ne le seront plus.

Je dois reconnaitre avoir été un temps éblouis par cette langue standard au vocabulaire radicalement celtique que j’apprenais à la fac, totalement différente du français et rivalisant avec lui dans nombre de domaines grâce à une pléthore de néologismes. Je ne le suis plus. Petit-à-petit s’est enracinée en moi l’idée que le breton populaire, malgré son déficit lexical, était supérieur sur tous les plans à la langue standard qu’il m’était donnée d’entendre dans les couloirs de la fac, dans les médias ou encore dans les écoles dans lesquelles je faisais mes stages.

Au départ, mon breton encore trop standard ne me permettait pas de réellement communiquer en breton avec les locuteurs natifs. Au bout de quelques années, j’arrivais cependant à avoir de petites conversations avec toutes sortes de bretonnants natifs du Trégor. J’osais me lancer de plus en plus en breton avec grand-mère. Jusqu’au jour où nous n’avons plus fait que parler breton. C’était l’année de mon retour à Bear, l’année aussi du décès de mon grand-père et de la naissance de mon premier fils, en 2010. Depuis lors, nous parlons breton tout le temps, dans toutes les circonstances, quel que soit l’endroit ou les gens avec qui nous nous trouvons (même les urgences de l’hôpital de Pabu nous ont entendus discuter en breton !). Et elle parle uniquement en breton à mes fils. Indescriptible bonheur pour moi.

Il m’a fallu beaucoup d’obstination pour vaincre ses réticences, très fortes comme pour beaucoup de gens de cette génération qui ne comprennent pas bien pourquoi on s’intéresse et on cherche à parler une langue que la société a massivement abandonnée. Je me souviens encore de cette réflexion : « Les Bretons sont des cons et le breton c’est nul ! ». Il m’a aussi fallu travailler d‘arrache-pied  pour m’approprier ce breton. Plutôt que de travail, je préfère en réalité parler de passion dévorante. En effet, le lien que j’ai avec ce breton, celui de mes origines, relève dans mon cas du passionnel. Je ne pense pas être un jour rassasié de cette langue dont j’estime avoir été privé jusqu’à mes 18 ans.

C’est donc de bonne heure que j’ai commencé à collecter auprès des miens tout ce qui me paraissait intéressant. Presque tout en fait. Modestement d’abord, je ne faisais que glaner des mots et des bribes de phrases dans des discussions dont j’étais loin de tout comprendre. Puis, peu-à-peu, le rythme s’est accéléré en même temps que mes progrès en pratique orale. Dès lors où je suis revenu m’installer à Bear, je me suis mis à collecter massivement en rendant visite à de nombreux anciens (mais pas que !) de ma commune.

Avec des amis partageant la même passion que la mienne, nous avons alors créé l’association Hent Don en 2012, afin de valoriser la langue bretonne sur la commune. En quatre années, nous avons proposé une quinzaine d’animations au foyer-logement, une douzaine de causeries ayant pour invité une personnalité de la commune et trois promenades botaniques. Ce que nous voulions, c’était mettre en valeur la langue locale et recréer du lien. Je pense que nous y sommes en partie parvenus et que nous avons fortement contribué à ce que le regard des bretonnants natifs sur leur langue change.

Ma grand-mère m’avait raconté il y a peu qu’au retour d’un rendez-vous médical à Lannuon, elle avait été raccompagnée chez elle par une connaissance de Bear qu’elle avait rencontrée là-bas par hasard. Elle m’avait raconté sa surprise de voir la connaissance en question lui parler en breton toute la durée du trajet, chose impensable quelques années plus tôt. A n’en pas douter, c’était notre action sur la commune qui avait permis cela. Cette anecdote, parmi d’autres, démontre qu’il est possible de recréer des usages sociaux de la langue grâce à une action de valorisation. Le regard sur leur langue des bretonnants natifs peut évoluer très positivement, si tant est qu’on s’intéresse à ce qu’ils parlent et qu’on le valorise.

 

Aujourd’hui, qu’il m’arrive d’aller au marché, au bistrot, au supermarché ou à la piscine, j’ai pratiquement toujours l’occasion de discuter en breton. Avec le terrassier qui est venu travailler chez moi, je n’ai parlé qu’en breton. De même avec l’agriculteur qui est venu faire la pelouse. Avec la femme de ménage qui vient faire des heures de repassage, je ne parle qu’en breton. J’ai noué une relation d’amitié avec le mari de la nourrice de mes fils au travers du breton. Et je ne parle même pas des voisins…

Cette vie sociale que je me suis créée en breton autour de moi, je n’ai pu le faire qu’en adoptant les pratiques langagières effectives de la commune où je vis. De cette façon, j’ai pu installer une connivence avec des locuteurs remplis d’à priori sur le breton des néo-locuteurs. Me contenter d’un breton standard m’aurait coupé à peu près complètement de cette communauté linguistique. Alors certes, cette communauté est sur le déclin, mais on peut encore y faire vivre la langue pour peu qu’on s’en donne la peine. Voir mon aîné de six ans dialoguer en breton avec tous ces bretonnants natifs me confirme pleinement dans cette idée.

De la même façon, j’avais déjà quelques convictions quant à la langue que j’allais enseigner lorsque je m’étais retrouvé devant mes premiers élèves, ceux de la maternelle publique bilingue de Plistin. Si le breton approximatif de mes toutes premières années d’enseignement restait influencé par la langue standard, il avait rapidement laissé la place à un trégorrois bien marqué.

Plusieurs anecdotes que l’on m’a racontées ont validé la pertinence de ce choix. Une aide maternelle de l’école me raconta un jour qu’elle avait assisté ébahie à une conversation en breton, entre un agent des services techniques travaillant dans la cour et un de mes élèves, ce dernier ayant interpellé l’agent en breton. Une autre fois, une mère m’expliqua que son fils de six ans dialoguait régulièrement en breton avec un des artisans présent sur le chantier de la maison familiale. Au passage, quand je parle de discussion ou de conversation en breton, je fais référence à un échange soutenu et non pas à une conversation rudimentaire du type : « Mat ar jeu ? – Ya ! – Kenavo ! ».

Il faut dire que mes élèves de grande section s’exprimaient en breton avec une aisance et une spontanéité qui surprenaient les observateurs. Les échanges en breton entre élèves étaient habituels. Pourtant, aucun d’entre eux, ou presque, n’était élevé dans cette langue. Leurs (très bonnes) compétences langagières en breton, ils les avaient toutes développées en classe (dont l’aide maternelle n’était pas bretonnante). De cette expérience, J’ai acquis la conviction que, selon les pratiques pédagogiques mises en œuvre, on peut obtenir un haut niveau de compétence linguistique chez des élèves de 5-6 ans. Un bilinguisme effectif en somme, et non pas un bilinguisme de façade.

Je reviens toujours au même constat. La langue qu’ils apprenaient en classe était très proche de celle de leur environnement local. De ce fait, l’échange régulier que j’avais mené avec ma classe et le foyer-logement de Plistin s’était révélé très riche. Dix ans durant, nous avions fréquenté les anciens à raison de trois rencontres en moyenne par an. Le résultat fut extrêmement positif, voire exceptionnel par moment.

L’objectif de créer des échanges en breton ne fut pas atteint immédiatement. Il fallait pour cela que les élèves aient un bon niveau d’expression (c’était encore un peu trop tôt au départ), que les anciens mettent de côté leurs réticences coutumières à parler breton à des enfants et que moi-même je progresse suffisamment pour comprendre et me faire comprendre des personnes âgées. Ces trois conditions furent assez vite réunies malgré tout. Les anciens prirent peu-à-peu confiance (et plaisir !). Ils comprirent ce que nous attendions d’eux. Les élèves, de leur côté, ne cessaient de gagner en spontanéité année après année. La qualité de leur pratique orale augmentait corrélativement. Dès lors, ce fut un vrai régal de voir des échanges en breton s’installer de plus en plus fréquemment et naturellement lors de nos rencontres.

 

De mon itinéraire personnel et de mon expérience professionnelle, je retiens principalement un enseignement : il n’existe aucune fatalité. Il n’y a aucune fatalité à ce que les anciennes et nouvelles générations de bretonnants cohabitent dans les mêmes communes sans pouvoir échanger en breton. Il n’y a aucune fatalité à ce que les élèves ne s’expriment pas en breton. Et, quand ils le font, il n’y a aucune fatalité à ce qu’ils s’expriment dans une langue incompréhensible de leur environnement. Tout cela relève in fine de choix de vie et de choix pédagogiques.

2. Un détour par l’étranger

Confrontées à la même condition diglossique, il est frappant de constater à quel point les situations des langues bretonne et occitane sont similaires. Dans les deux cas, les défenseurs de ces langues peinent à mobiliser largement. La transmission familiale ayant été stoppée net, tout l’effort de sauvegarde repose sur l’enseignement. Que ce soit en Occitanie ou en Bretagne, le pourcentage d’enfants apprenant la langue reste très faible. Enfin, le hiatus entre langue standard et langue populaire est tout aussi prégnant dans l’une et l’autre situation.

C’est cette dernière problématique qu’Eric Fraj, enseignant de philosophie et chanteur occitan déjà mentionné plusieurs fois, questionne dans une démonstration magistrale, publiée dans un premier temps en novembre 2012 sur internet puis sous forme d’un livre bilingue français-occitan en 2013 (Quel occitan pour demain ? réédité en 2014). Il y fait le constat alarmant d’un processus en cours de déconnection à peu près complète de la langue standard vis-à-vis de la langue populaire, et il appelle à un changement urgent de paradigme. Je ne m’attarderai pas davantage sur ce texte capital. Il faut simplement le lire et le relire, sa démonstration pouvant s’appliquer au mot près au contexte breton. Signalons au passage que ce texte a suscité de nombreux débats et a reçu un accueil globalement positif dans les milieux occitanistes.

Un peu plus au sud, les Corses ont eux fait le choix de la polynomie. Sous l’impulsion notamment du sociolinguiste Marcellesi dans les années 1980, ils ont défini le corse comme étant une langue polynomique, c’est-à-dire désignant « un ensemble de variétés linguistiques présentant certaines différences typologiques (sur le plan de la phonétique, de la morphologie ou de la syntaxe), mais considéré par ses locuteurs comme dotées d’une forte unité » (Langue polynomique, Wikipedia). En pratique, la diversité dialectale corse est véritablement assumée et soutenue. A contrario, toute idée de langue standardisée et normalisée est repoussée.

Dans le domaine scolaire, cette notion de polynomie est intégrée depuis trois décennies à la formation des maîtres. En conséquence, les enseignants de corse n’enseignent pas de standard, puisqu’il n’y en a pas, mais leur propre dialecte. La diversité dialectale chez les différents acteurs de l’école est positivement reconnue de même qu’un usage souple des principes orthographiques est légitimé. Les variations de vocabulaire, de grammaire, d’orthographe ou de prononciation sont systématiquement explicitées et valorisées (La polynomie dans une école bilingue corse).

Au Pays Basque enfin a émergé ces quinze dernières années un projet de sauvegarde et de valorisation des variantes locales du basque qui a connu un développement considérable : Ahotsak (« les voix »). A l’origine, quelques chercheurs passionnés de la vallée de la Deba (province de Gipuzkoa) menaient sur le terrain un travail de collectage et d’étude des différents basques qui y sont parlés, et ce, commune par commune. Avec le soutien de plusieurs municipalités, différentes brochures furent publiées afin de rendre accessibles au public ces études.

Rapidement, l’association qui portait ce travail (Badihardugu), se mit à filmer massivement ses informateurs lors des collectages. Le but était d’utiliser les nouvelles technologies afin de diffuser et de mettre en valeur les parlers locaux ainsi que le patrimoine oral qu’ils véhiculent. Le site ahotsak.com (désormais ahotsak.eus) commença à prendre forme en 2003 et fut officiellement ouvert en 2008. Pendant ce laps de temps, Badihardugu étendit progressivement son action au-delà de la vallée de la Deba en répondant à des appels d’offre de municipalités désireuses de sauvegarder et de valoriser leur patrimoine oral (oui, vous avez bien lu). Le travail de collectage fut alors démultiplié et l’ensemble du Pays Basque fut peu-à-peu concerné, notamment grâce au soutien financier de nombreuses municipalités, ainsi que de la province de Gipuzkoa et de la banque basque Kutxa (250 000€ de subvention chacune !). Au plus fort de son action, dans les années 2010-1012, Badihardugu comptait ainsi une dizaine de salariés. Aujourd’hui, le site donne à voir et à entendre 5 479 locuteurs de 326 communes différentes, soit 41 245 films (statistiques au 27 décembre 2016).

Le résultat est réellement impressionnant et la réflexion qui sous-tend le projet mérite d’être détaillée. C’est principalement l’universitaire Koldo Zuazo qui a théorisé l’action de Badihardugu dans l’ouvrage Deba ibarretik euskararen herrira (Zuazo Koldo et Badihardugu, 2002). Il s’est particulièrement interrogé sur les bénéfices que pouvaient apporter les variétés locales du basque. Pour lui, il est vain de vouloir opposer basque standard (appelé batua) et basque dialectal. Il les perçoit bien plutôt comme étant complémentaires, avec des rôles différents à jouer selon la situation de communication. Le registre de prédilection du dialecte étant l’oral et l’informel, et celui du standard étant davantage l’écrit et le formel.

Le basque local a pour lui un rôle décisif sur quatre plans. Il renforce la transmission familiale en confortant la langue de la famille. Il permet de s’approprier l’esprit de la langue. Il génère un basque plus correct et plus riche. Enfin, il facilite l’apprentissage par les adultes en leur fournissant des compétences linguistiques directement mobilisables en dehors des cours. Plus généralement, il établit que la langue la plus efficace est la langue la plus proche, spatialement mais aussi affectivement parlant.

La transmission intergénérationnelle est donc pour lui essentielle. Le premier lieu où s’apprend la langue reste la famille. L’école et la télé ne vienne qu’en second. De là vient l’importance donnée aux anciens : ce sont eux les dépositaires de la langue, ce sont eux les modèles linguistiques. Zuazo élargit le constat en énonçant que le basque de qualité se trouve aujourd’hui dans les pratiques langagières des communes bascophones. C’est lui qui donne sa force et sa richesse actuelle au basque dans son ensemble.

Il faut dire que les militants de l’euskara sont confrontés à une perte de qualité du basque parlé par les jeunes générations. Zuazo attribue cette évolution à un déficit dans la transmission familiale de la langue. Il l’explique par le complexe d’infériorité, le regard négatif qu’ont porté à une époque nombre de parents sur leur façon de parler basque, trop éloignée selon eux de la langue standard. Là se trouve l’enjeu principal du projet ahotsak, changer les représentations des gens sur la langue populaire afin de leur donner confiance et de faciliter sa transmission. Au regard de l’ampleur de l’action de Badihardugu et de son soutien par un nombre remarquable de collectivités locales, on peut estimer que le projet a eu un impact certain.

Toujours dans cette idée de valoriser les parlers locaux, Zuazo propose plusieurs préconisations. Il souhaite que les formes populaires du basque aient une existence à l’écrit afin de leur conférer une certaine dignité. D’une part, il estime indispensable d’adapter certaines règles orthographiques du batua à la réalité phonologique locale. D’autre part, il pense que les dialectes ont tout à fait leur place dans certains types d’écrit (bulletins municipaux, retranscription de communications orales, histoires à destinations des enfants). Concernant les écoles enfin, il estime que les premières années de scolarisation, en maternelle, doivent se faire dans le dialecte, le batua n’étant introduit que dans un second temps dans la scolarité.

 

Le point commun de ces situations occitane, corse et basque, est la réflexion poussée sur la langue à sauver. Soit, comme dans le cas occitan, un riche débat est suscité afin de remettre la langue populaire au centre du mouvement de revitalisation de la langue. Soit, comme dans le cas corse, la norme n’existe pas et seule la langue populaire dans sa diversité dialectale fait l’objet d’un apprentissage. Soit, comme dans le cas basque, une complémentarité maximale est recherchée entre langue standard et langue populaire. Dans tous les cas, l’avenir de ces langues ne se conçoit pas coupé de la langue authentique. On ne voit pas pour quelle raison il devrait l’être davantage en Bretagne.

 

3. Resocialiser la langue

Plus le temps passe, plus il apparait prioritaire, à moi et à d’autres, de faire porter notre effort sur la remise en circulation sociale de la langue. Cette resocialisation ne peut passer que par un breton en prise avec les pratiques langagières réelles encore en usage aujourd’hui. Eric Fraj est habité par la même conviction dans le cas de la langue occitane :

« Mais comment ne pas voir que la resocialisation de l’occitan ne peut passer, pour être effective, que par un apprentissage d’une langue-culture qui ne soit pas « hors-sol » mais, bien au contraire, tienne compte au maximum de l’ancrage de l’apprenant dans un contexte toujours spécifique? L’on ne sauvera la langue d’Oc que si l’on sait (re)tisser ce lien de compréhension linguistique et de reconnaissance mutuelle entre locuteurs « anciens » et « nouveaux », qui est aussi un lien entre générations. »  (Fraj)

Dès lors, un certain nombre d’initiatives pour le breton me paraissent bien secondaires. Que ce soit les efforts faits pour investir le numérique, pour lui forger de toute pièce un vocabulaire technique ou scientifique, et plus généralement pour l’adapter au monde moderne, j’ai comme l’impression d’une dispersion des efforts et d’une focalisation sur des usages au final anecdotiques. Or, toute cette énergie déployée pour permettre à la langue d’investir de nouveaux domaines et, in fine, rendre la langue « moderne », ne me semblent pas s’accompagner d’efforts équivalents pour faire vivre ses usages sociaux les plus élémentaires. Qu’on ne se méprenne pas, ces initiatives sont évidemment louables et nécessaires. J’ai cependant tendance à penser que l’essentiel n’est pas là et que l’urgence absolue est de réinstaller le breton dans les usages sociaux quotidiens plutôt qu’à broder un environnement numérique et intellectuel aux quelques milliers de bretonnants lettrés que nous sommes.

D’ailleurs, on note une tendance chez certains à vouloir opposer langue populaire et langue moderne. La première serait de facto inadaptée aux usages contemporains, quand la deuxième serait un impératif de survie de la langue. Mais en quoi faire accéder le breton au rang de langue moderne, ce qui sous-entend chez eux une création forcenée de néologismes, permettrait-elle de revitaliser soudainement la langue ? Nous sommes là encore dans une idéologie de l’évidence. Mon expérience personnelle montre pourtant que l’utilisation d’une langue non modernisée suffit aujourd’hui dans tous les échanges quotidiens essentiels. Je suis évidemment favorable à une modernisation, du moment qu’elle soit raisonnée, mais je m’inscris en faux contre cette volonté d’opposer langue moderne et langue populaire et de vouloir enterrer cette dernière.

Car nous aussi, il nous faut impérativement restaurer l’intercompréhension entre jeunes et anciens, et de cette façon réamorcer la transmission linguistique. C’est la condition d’une vie effective de la langue. C’est également la condition d’une langue de qualité. Les cours ne peuvent pallier à l’absence de transmission familiale, seul le contact avec les bretonnants authentiques est gage de progrès. Dans cette optique, les pratiques langagières des bretonnants natifs doivent être hyper-valorisées. Ce sont eux les véritables modèles linguistiques, et il faut le leur faire savoir. Les représentations négatives à propos des parlers locaux doivent s’inverser, dans toutes les têtes. A l’inverse d’une normalisation strictement identique d’un bout à l’autre de la Bretagne, il faut afficher la diversité dialectale. Les bretonnants naturels doivent voir leur langue écrite, ils doivent la reconnaître et pouvoir la lire, dans les journaux comme sur les panneaux. L’orthographe peurunvan doit en conséquence être fortement adaptée au contexte local. On pourrait imaginer à ce sujet une réflexion à l’échelle des pays afin de convenir d’adaptations orthographiques communes sur un territoire donné.

L’école de son côté doit sortir de son isolement linguistique et s’ouvrir à son environnement. Elle doit jeter des passerelles vers l’extérieur grâce à la langue locale, valorisant ainsi la communauté bretonnante qui l’entoure. Elle doit faire entendre au maximum cette langue aux élèves. L’idéal, le but à atteindre en somme, serait d’enseigner le dialecte à l’oral dans les premières années de scolarisation et d’adapter systématiquement le matériel pédagogique en conséquence pour que la langue rencontrée dans les supports pédagogiques soit la plus proche possible de celle employée en dehors de l’école. Des pédagogues comme Philippe Boisseau ont par exemple montré tout l’intérêt pour l’apprentissage du français de la démarche d’ « oralisation » d’albums. Je suis convaincu que cette méthode peut grandement bénéficier au breton et répondre à la « problématique » de sa diversité. Quant à la langue standard, elle serait introduite progressivement à partir de l’apprentissage de la lecture avec explicitation systématique aux élèves des écarts entre standard et parlers locaux. Jamais elle ne deviendrait cependant un but en soi de l’apprentissage du breton.

Plus généralement, il faut cesser de faire de l’apprentissage du breton standard une finalité. Les discours doivent changer à ce niveau-là, que ce soit dans les écoles, les cours du soir ou les centres de formation intensive. Dans le cadre de l’enseignement aux adultes, le standard peut avoir une certaine utilité en ce qu’il permet l’apprentissage d’un breton « moyen », mais cette utilité ne peut être que provisoire. Il doit être perçu par tous comme un simple tremplin vers l’apprentissage d’un breton enraciné qui doit être l’objectif principal et explicitement visé. Même dans un tel cadre, le breton standard enseigné ne peut se permettre d’ignorer ce qui se parle à l’extérieur. Il doit absolument rester en phase avec la réalité linguistique locale afin de faciliter l’insertion des futurs bretonnants dans la communauté linguistique environnante.

Quel rapport instaurer alors entre langue standard et variété locale ? A la suite de koldo Zuazo, j’aurais tendance à penser qu’il faut rechercher la complémentarité, les registres de l’une et l’autre n’étant pas les mêmes. Seraient réservés à la première le formel et l’écrit, à la deuxième l’informel et l’oral. En somme, nous aurions le standard pour les usages littéraires, et le parler local pour les usages sociaux quotidiens. De cette façon, les deux auraient une influence positive l’un sur l’autre, le standard pouvant pallier à certains manques lexicaux du parler local, ce dernier générant en retour un accroissement de l’utilisation sociale de la langue et une amélioration notable de la qualité de langue.

 

A l’heure où la communauté bretonnante est sur le point de s’éteindre (nous avons une vingtaine d’années devant nous), l’alternative est donc la suivante : continuer de faire comme si cette communauté n’existait plus ou tout tenter pour l’associer à la revitalisation de la langue. Autrement dit, persévérer dans la voie actuelle et faire semblant de croire au redressement de « la langue » (en fait de langue, ce standard remodelée à des fins identitaires), ou alors prendre le problème à bras le corps pour resocialiser le breton partout où c’est possible grâce à la langue populaire.

C’est maintenant que l’avenir du breton joue.

 

 

Tangi YEKEL, miz genver 2017

33 réflexions sur « Voulons-nous sauver le breton ? »

  1. Bonjour,
    J’ai travaillé 15 ans à Diwan comme instit. Tu soulèves bien des problèmes réels que j’ai rencontré aussi. Pour moi, il y a une croissance trop rapide des écoles qui fait qu’on recrute un peu n’importe comment. Il y a de très bons bretonnants chez les instits, mais il y en a beaucoup de très moyens voire pires. Quand uen personne qui a eu son concours bilingue te demande  » yann n’eus bet er skoln ça veut bien dire Yann est allée à l’école ? » on peut se poser des questions sur la formation et le concours… Pour ceux qui maîtrisent plus, il y a un gros manque du point de vue phonologie et du point de vue connaissance de l’environnement. Tu as la chance d’avoir un poste dans ta zone dialectale. Vu les règles de mutation, les aléas de la vie, beaucoup en sont loin. On peut s’adapter, j’ai appris en pays Pourlet, j’ai enseigné à Carhaix, je m’y suis fait. Mais il est désolant de voir qu’un tas s’en foutent. Après, en-dehors de quelques zones, il devient de plus en plus difficile de trouver des locuteurs. Surtout dans les écoles de l’Est de la Région… Ce que j’ai fini par me dire, c’est que mes élève sont une base, à eux d’en faire quelque chose ou pas… J’arrête ici, il y aurait beaucoup à dire.

  2. Trugarez deoc’h. Ne bleustran ket mui ar brezhoneg. Trist eo ar jeu evidon bremañ…
    Ce que vous exprimez là, avec beaucoup d’adresse, résonne très fort en moi et réveille un sentiment d’incomplétude et de tristesse, au regard de ce que je ressens du breton que j’aimais et que j’aime toujours, mais qui par ce manque de socialisation que vous évoquez, m’a fait tomber dans une forte désillusion et m’a fait renoncer à sa pratique bemdez, bemnoz, gant nerz, kalon ha karantez.
    J’étais porté par l’amour pour cette langue, par mes aspirations de barde à fonder ses racines dans mon « bro Lokorn » et qui résonnait en moi, par cette langue de terroir que je chantais classiquement au début et que je voulais chanter trad plus tard. Je voulais parler ce breton « de la Montagne », ce cornouaillais du Menez Lokorn… Et puis, j’ai fait deux ans passionnants de formation avec Mervent et puis… au cours de ces années d’apprentissage, d’envies, parce que mon aîné avait six ans, donc trop âgé, on lui a refusé l’entrée dans une école diwan pour ne pas prendre en charge son intégration. Pour ma cadette, plus jeune c’était possible, mais je voulais que mes deux enfants parlent entre eux donc je renonçais (première déception – je ne pourrais donc pas parler breton couramment et de manière fluide avec mes enfants). Puis… je me suis rendu compte au cours de ma formation que certains enseignants du Diwan pratiquaient un breton chimique horrible à entendre, qu’ils transmettaient aux enfants, pire : sans accent du tout (deuxième grande déception). Ce fut un gros choc. Brusquement la musicalité du breton à laquelle je m’étais attachée en prenait un coup. ce manque d’exigence me révoltait. Puis, vint la belle expérience de la Redadeg, j’ai vu courir des personnes non-bretonnantes au nom de la langue bretonne derrière un véhicule et quand je leur ai dit que le vrai secours et soutien que l’on peut apporter à la langue bretonne est de l’apprendre, l’aimer, la pratiquer mais que pour eux il ne fallait pas y compter, là c’était l’ ponpon…
    Et puis, et puis… je me suis rendu compte après ma formation que pratiquer le breton tous les jours mobilisait du temps que je n’avais pas, devenait un parcours du combattant avec des personnes âgées qui résistaient à vouloir dialoguer prétextant le fait que je parlais « breton comme un arabe » (sic), qu’il aurait été préférable peut-être pour le pratiquer que je travaille dans l’enseignement (et encore parler quel breton ?), ou que je cours derrière les bretonnants locaux pour espérer grappiller du temps avec eux pour parler, faire vibrer cette langue qui ne demande que ça, et que réaliser un film autour du breton avec des acteurs à l’accent bien cornouaillais seraient très difficile. Grosse désillusion de bretonnant…
    Setu Tangi.
    Je ne suis pas défaitiste mais le breton, si je n’allume pas Radio Kerne tous les jours, je ne l’entends pas autour de moi. Il faut que je cours derrière, or j’ai des impératifs dans ma vie qui à présent ne me permettent pas d’atteindre ces objectifs. Les rues de Quimper sont vides de sa résonance (à part quelques mots par ci, par là écrits en breton) et dans mon village si je ne force pas ne serait-ce que le minimum, tout le monde s’abstient et le français s’impose.
    A galon.

    1. N’on ket a-du ganeoc’h penn-da-benn ! Kavout a ran brezhonegerien war marc’had Kemper a lies vat. Gwir eo, ret eo klask anezho met kavet e vez memestra, dre forzh… Ar pez a vank ar muiañ eo mediaioù « bras » evel « Via Stella » e Korsika. Pez a vank muir c’hoazh, gwir eo, eo ur gwir kevredigezh troet war ar yezh ha na vefe ket dismegañs ganti… Un hunvre surawalac’h !
      kenver peurunvan pe ket, ur standard skrid eo, arabat goulenn muir gant ar standard-se… Na gwelloc’h, na falloc’h evit (pe eget ! ) unan all ! Skuizh on gant brezel ar skritur… Traoù zo da gwellaat, gwelladomp anezho neuze, bez zo tud barrek awalac’h gav din er vro (kelennerien o labourat pe war o leve (tu Lokorn zo unan da nebeutañ !), studierien skol-veur ha me oar me…).
      Bez e vefe traoù all da lavar sur. Gwelloc’h ober gav din evit chom da glemichal… Na res ket bil, o amezeien muiañ karet o deus poan da implij o yezh evit difenn o raktresoù bras tro Pariz du-se gav din !

      1. Ma ‘peus lennet ac’hanon ervat ‘peus gwelet ne gomzan ket nemeur deus ar skritur. N’eo ket war ar poent-se emañ ma gaoz, met war ar yezh komzet gant an nevez-vrezhonegerien ha gant lodenn vrasañ ar skolaerien.

  3. Hañ da skrivañ dit ur respont a-zoare… ret vo din kas amzer d’or-se an dibenn-‘zhun mañ. Skolaer on me ba diwan, lennet ‘m eus d’az pennad gant plijadur ha kontant bras vefen eskemm trukoù pe menozhioù ganit. Arabat koll kalon ha nerzh gant tabut difin an emsav, pegañ barzh laran ket. Gwell’ sevel ur pont evit div voger, setu.

  4. kant dre gant e savan a-unan gant kement tra skrivet gant paotr Bear. pa’moa kroget da zeski brezoneg, hanter-kant vloaz’zo, va fal kenta, ha tost nemetañ’oa gelled kaozeal gant brezonegerien a viannig, ha ne gomprenen ket e hellfe beza ahendall. War lerh en em ober, doboan awalh, ouz brezonegou Kerne (dre « Al Leur Nevez ») em eus studiet ha pleustret brezoneg va gwriziou, hini Leon. Dre gaozeal gant milierou a Leoniz eo on deuet a-benn da ober gant ar brezonega zeu ganen bremañ. Ha n’em eus soñj ebed da veza bet a boan o vrezonega e neb leh amañ. Ken digompren all e choman a-fed « paliou » ha dreist oll pez a ra an « emzao ». Evid va soñj ahendall, awalh lenn va uriou »traité de prononciation du breton du nord-ouest »…

    1. Trugarez deoc’h !

      Ho levr « traité de prononciation du breton du nord-ouest » zo deus ar c’hentañ. Bet ‘neus sikouret ac’hanon. Ma sell war ar brezhoneg eo ar memes hini.

  5. Il y aurait tant de choses à dire et à redire sur le sujet . J’ai 60 ans et ma langue maternelle et paternelle et aussi la première langue entendue est le breton . Mère cornouaillaise de Mael Pestivien / Burthulet en St Servais et père trégorrois de Pont Melvez . J’ai donc eu la chance et le bonheur d’être bilingue local . J’avais la richesse de 2 vocabulaires .
    Exemples : ar c’huorn et ar c’helorn : le seau
    ‘lam da beter (abalamour da betra ) et peter ‘zo kaoz : pourquoi
    pesa mod (peseurt mod ) et penaoz : comment ..;
    Intervenant dans le cadre des TAP périscolaires à la ville de Lannion à l’école bilingue de St Roch ou rok, j’entends parfois les enseignants utiliser des mots « nouveaux chimiques » alors qu’il existe, dans le vocabulaire breton local, ce qu’il faut pour certaines situations …
    Evidemment, lorsque les parents, plus souvent les grand-parents, bretonnants, viennent chercher leurs chers vrioù brein, ils ont des difficultés à se comprendre . Il m’arrive assez fréquemment de faire l’interprète !
    labour ‘zo war ar plankenn !
    Salud dit Tangi . Bear ‘man ket re bell deus Pederneg

    1. Salud dit Serj,

      Je me souviens comme si c’était hier, à l’occasion d’une animation jeux trégorrois que tu nous avais proposée, tu t’étais insurgé contre l’usage de « startijenn » alors qu’en trégorrois nous utilisons « nerzh »… Et je te suis tout-à-fait, il faut que nous soyons fidèles à ce qui se dit autour de nous !

      Marteze ‘to an digarez da dont da Vear d’ober ur gaozeadenn un beiz bennaket ? 😉

      1. ya ret a vo din tostaat eun tamm bihan . Meus ket amzer;
        Gwir eo, ret vo taol pled deus ar yezh ‘vo kinniget d’ar vugale ‘vid ar bloavezhioù o tont . Enrolladurioù forz pegement ‘zo d’ober c’hoazh e pep kwign ar vro .
        Pa oan krennard ‘ba kostez Pont melvez / Boulvriag , e vije komzet nemet brezhoneg gant an holl re eus memez (n)oad ganin . Er 6vet klas er skolaj publik oan ma unan klask deskin skrivan ha lenn . Ar c’helenner oa an Ao. Iwan (pe Erwan)LIBOUBAN . Eur blijadur evidon .
        Heuliet meus ar c’hentilli beteg an deirvet (drede) klas. An Ao LIBOUBAN neus ket klasket lakaat ac’hanon da implij gerioù all nemet re ar vro . Met, an den-se neus roet blaz ar yez din ha sell aze lam da beter meus derc’het pinvikaat ma vrezhoneg . Trugarez pe mersi d’an (d’ezan) hag evel just da Yvonne ma vamm ha Gwilhom ma zad ha toud ar re gozh ma velajenn e Pont Melvez .
        Eur c’houlz ‘zo bet, ‘zo bet klasket gant tud a zo , krouin eur yezh unvanet eus Eusa beteg Raon (Roazhon ) ?
        Ken ar c’hentan tro ‘ba bourk !

  6. Voici un passage d’un commentaire que j’avais posté sur ABP pour répondre à la chronique de Le Coadic qui est d’un point de vue diamétralement opposé à la votre .Vu la situation délicate de la langue ,malgré toutes les erreurs qui ont été faites ,peut t-on encore se permettre des affrontements suicidaires ,l’heur ne serait t-elle pas à la recherche de compromis entre les différents point de vue ? Arrêtons de jouer avec le feu .
    https://abp.bzh/41276
    passage du commentaire
    Le découpage de la Bretagne en dialectes est relatif , il a été officialisé par l’église de part les limites des anciens évêchés ,alors que la réalité n’est pas aussi tranchée ,c’est plutôt une déclinaison nord ouest vers sud est .
    L’erreur et la faute grave,probablement irréversible a été ,pour des raisons purement idéologiques de n’avoir pas établi le lien entre la langue codifiée et celle des natifs ,voilà l’explication de la situation plus que délicate du Breton .Mais parait t-il que certains se contenteraient de la subsistance de mille brittophones purs et durs .
    Les acteurs du renouveau de la langue bretonne ont copié le système français qui a justement produit une langue élitiste à l’origine ,contrairement à l’anglais qui s’est développé d’abord sur une base populaire quelque peu bâtarde dans le sens ou ,des mots franco normand avaient remplacés les mots germaniques .Par contre le breton des natifs s’est aussi dégradé vu que les locuteurs ont remplacés à tort , des mots bretons existants par des mots français .

    1. Je souscris évidemment à votre commentaire.

      Rechercher le compromis entre tous les points de vue me parait compliqué et pas forcément souhaitable. Soit nous changeons de paradigme là où c’est possible, et revivifions la langue dans les dernières zones bretonnantes de Basse-Bretagne, soit nous continuons comme si de rien n’était à créer un petit réseau, un petit microcosme bretonnant complètement distinct de la communauté bretonnante traditionnelle.

  7. A partir du moment ou vous voulez écrire (sripta)une langue orale, nait TOUJOURS une nouvelle langue(koiné). Toutes les langues écrites sont des koinés: des mélanges de langues orales, ou d’autres langues. Les langues pures n’existent pas.(le français parlé et écrit aujourd’hui n’a rien à voir avec le « françois » d’hier. Si Molière écrivait comme nous, le français, vous ne l’auriez sans doute pas compris. Il écrivait « moi » et prononçait « moué », boire et prononçait « bouère » etc…

    Savoir si vous voulez écrire le breton est une autre histoire, comme toutes les langues le breton « moderne » est un mélange des autres dialectes oraux breton.

  8. « Tcheumènd a draow a véhé de larèt »…
    Rezon en deus Tangi, mez e damm skiant-prenet dezhañ e-hunan eo a daolenn-eñv aze. Ha peb unan a c’hellehe taolenniñ ur santimant arall, dishañval c’hoazh peb unan anezhe. Chañs en deus da vevañ en un endro stank a-walc’h ar vrezhonegerion a-vihanig enni c’hoazh. E Badenn e anavan…unan (ag ar gumun, a lâran). Peurliesañ e oa gwir ar pezh a lâr Tangi war ar poent-se e Breizh-Izel er bloazioù 1980 c’hoazh. Akord on gantañ pa lâr e ranker chomel tost douzh yezh ar c’hornad…mar chom brezhonegerion a-vihanig er c’hornad-se (+ 80 vloaz liez siwazh), mez oblijet ive gelliñ komz ur brezhoneg evid bremañ, gant tud o deus desket brezhoneg pa ne ouient na bu na ba en afer da gomañs (hag evel-sen eo evid an darn vuiañ ag ar skolaerion stummet e-korf 6 pe 9 miz war ar prim, heb dezhe kavoud stajoù-gwellaad goude, ur skandal na vehe ket posubl evid heni ebed ag ar yezhoù arall. Setu stad ar brezhoneg hiziw). Ganet e 1948 er Morbihan e anavan un tammig an afer. Labouret em eus evel skolaer, enkontet gant klasadoù diwyezheg, evel stummer meur a wezh hiziw c’hoazh. Mez ne welan ket mui an traoù evel pa’m boa kroget da adtapoud ma yezh, pa’m boa ugent vloaz. Dober hon eus ag ur yezh standard, evel-just, ar pezh na vir ket a voud gouest da gomz gant tud ar c’horn-bro lec’h ma vevomp… pe lec’h ma labouromp. (Anavet ‘m eus skolaerion na faote ket dezhe tostaad douzh ar gwenedeg tamm ebed pa gelennent er Morbihan : komz a raent leoneg ha leoneg a vehe desket gante, mad pell zo, pe e arrestehent a gelenn !).
    Mez n’eo ket trawalc’h boud sanket en endro vrezhoneg pa ya an endro-se da netra. Pa gomzan brezhoneg bremañ em familh ne chom nemed ma mamm, 90 vloaz. Euruzamant e komzan ive gant ma bugale. Komz a raont oll ganin, pewar anezhe, na boud ne vevont ket e Breizh ha na boud ne ouiont ket skriv kalz : skriv a raont evel ma lâront ha mar gellan-me kompren ar pezh a skrivont ne vehe ket posubl da Dangi marse henn diskodañ aez. Komz a ran ive ged ma bugale vihan, ataw, na boud ne vez ket komzet gante en o familhoù, siwazh din. A-volontez vad int ha kompren a raont ar pezh a lâran dezhe, ha lod a glask komz : da beb an amzer hebkén m’o gwel nawazh, rag ne vevont ket tost tamm ebed (amzer ar vakañsoù, meur a wezh).
    Evidin e rankomp :
    A) kavoud ur yezh skrivet aez, ur gwir venveg da ouied a betra e vez anw (arabad skoiñ war ar peurunvan rag dober hon eus ag ur benveg mad evid an oll, mez da voud gwellaet ema. Selled douzh ar lec’had peurunvan.nevesaet.free.fr. Kennig a raomp reizhañ ar peurunvan a-fed 1) kensonennoù-dibenn d’an nebeutañ, 2) lakaad w e fin gerioù zo e-lec’h v (piw, glaw, rew…) ha 3) reizhañ gerioù zo evid enkorfiñ gwell toud ar rannyezhoù, enkontet ar gwenedeg, laosket re a-gostez e 1941) (selled douzh geriadur Favereau 1992, heb an daou s, ar pezh a oa ur fari hag en deus kuzhet toud an traoù mad a zo ba’r sistem etrerannyezhel).
    Albert Boché (marw e 2012) en doa kenniget peder reolenn evid kelenn ur brezhoneg gant e reolennnoù dezhañ, ha n’eo ket re ar galleg. Rezon en deus Tangi c’hoazh : plad eo ar brezhoneg-skol hiziw ur spont (ur brozodiezh ogozig platoc’h eged heni ar galleg), heb taol-mouezh ebed er gerioù ; liammadurioù « à la galleg » (*lakataran e-lec’h lakaadD a ran, *deussamañ e-lec’h deusZ amañ…tre evel ma lârer le bus arrive ha petit enfant). (Sd. ma levr Bien prononcer le breton d’aujourd’hui/Les liaisons, Skol Vreizh 2012) ; distaget evel ma vez skrivet ar gensonenn en dibenn absolut : « *Soazigue ! »
    Gant Breizh Impacte hon eus klasket sachañ evezh an Ofis war ar problemoù-se, mez respont ebed, arabad chañch ! Kentoc’h leuskel ar brezhoneg da vervel eged ober ar pezh a zo rekiz evid moned pelloc’h oll asamblez war-raog.
    Penaoz e vez lâret du beurre e brezhoneg ? Ha penaoz e vez skrivet ? Amann ? Pa vez lâret « amonenn », « amenenn », « amenienn » ha m’oar-me c’hoazh dre-mañ ! Perag nompas kemer da vad amanenn, stumm standard deread, ar liamm etre toud ar fesonoù da lâred pe dost, enkontet « amann » a zo ur feson da verraad ar ger-se ? Penaoz e vez lâret quoi e brezhoneg ? Ped feson da sanañ/distagañ ar ger-se zo ? Ha peheni kelenn er skol-vamm e Naoned, e Roazon, pe zokén lec’h ma ne gaver ket (ne saver ket) liamm ebed gant brezhonegerion an endro ? Ne glask ket ar Vretoned d’en em gleved war ar poent-se, malluz da dermeniñ nawazh. Me, pa skrivan ma rubrikenn sinema ba YA! e vez chañchet ma feson da skriv (bon, moian zo din kompren) mez rac’hwizet e vez ouzhpenn fenestr, interesuz, ridew, re dost douzh ar galleg kredabl (ffenestr e kembraeg nawazh) ha traoù arall, rac’hwizet ive kennig (ur furm etre kinnig ha kannig), heni (ar furm etre hini ha hani/hãni)…e-sigur ma vez kelennet prenestr, dedennus, rideoz er skolioù Diwan pe er lise d’an nebeutañ. N’eo ket spered an unaniñ gant ar Vretoned, sindrom ar c’houef ne lâran ket (kant bro kant giz, kant parrez kant iliz, mez gant ma maouez kant hiviz). N’eo ket an dober a ziferañs a ra diouver dezhe, mez kentoc’h an dober a en em gleved. Afer an doare-skriv zo trawalc’h d’henn diskoueziñ.
    Ar liamm gant a re gozh ya, mez arabad krediñ e vo aez ataw. Ne gredan ket e chom 20 vloaz dimp evid-se : 10 d’ar muiañ. A-benn ar bloaz em bo-me 70 dija… Klasket em boa em amzer, par ma c’hellen, kouvïañ tud kozh da zoned da ziskutal gant ma skolidi, pe moned d’o gweled. Gouied a ran ne vez ket aez ar liamm pa ne vez ket er familh. Ha ped skoliad diwezheg hiziw an deiz a véw en ur familh lec’h ma vez kavet brezhonegerion c’hoazh ? Ped tregantad ??? Ar pezh a gennig Tangi zo un tammig « hors sol » ive, siwazh, mez evel-se ema hiziw.
    Amañ em eus skrivet ar brezhoneg evel ma kredan e klot an tostañ gant ar brezhoneg standard, hennañ an tostañ douzh ar parlantoù dishañval, tost douzh ar gwenedeg a gomzan. Peurunvan eo, mez reizhet, pinvidikaet. Gant ar peurunvan-mañ e c’heller diskodañ hirder ar gensonenn edan an taol-mouezh : blod a glot gant lod, klod, bod ha sod, un o hir enne oll) pa glot bot gant klot (gant un o berr). « Neu tcheu posip skriw ur yec’h geud kant feson dishañval ». Piw zo gouest hiziw da lenn war an tach ar gwenedeg evel ma veze skrivet e Dihunamb ? Ur yezh zo da voud desket, dre gomz ha dre skrid. Gouied a ran ar pezh a lâran, pa glaskan an deizioù-mañ lakaad tud nad int ket duac’h da gomz gwenedeg da lenn e gwenedeg par ma c’hellont…evid roiñ da gleved ur brezhoneg tost douzh an tri pe bewar den brezhonegerion ag ar vro a chom c’hoazh (da-geñver festival Badenn ar sorbiennoù).
    Daw eo dimp gouied ha termeniñ, oll asamblez, petra a rank ar brezhoneg a-hiziw boud, penaoz uananiñ ar yezh heb he gwaskañ : lec’h zo d’an dishañvalderioù ha d’ar variantennoù, beteg ma ne vint ket ur skoilh war hent ar c’hompren (ha n’eo ket un taol-mouezh standard war ar silabenn eildiwezhañ ur skoilh, an dra-se a vehe da blaennaad er skol).
    Daet eo kêriadenn ar brezhoneg da voud bihan : dober hon eus a en em gompren oll, mez gwir eo, n’eo ket rekiz komz fasibl unan evel egile, adal ma intentomp egile.
    (ya, Tangi, ober a ran un diforc’h, pa skrivan ha pa gomzan ive liez, etre evid hag eged, an daou é toned ag ar memez ger eguid : droed zo da binvidikaad ar yezh pa vez posubl, mez n’eo ket ur fari implij evid ataw mar karer).
    Jean-Claude Le Ruyet.

    1. Nozvad dit Yann Claude ar Ruyet. Lennet am eus gand akétus ar pez az peus scrivet ha plijadur am eus atao da lenn eur brézouneg a zo scrivet mad daoust kément lizerenn « h » ne servij da nétra nemed da zirenca al lenner. C’hoant am oa lavar dit, te az peus encouet da lakaat « oun » ebarz ar frasenn se (. Ganet e 1948 er Morbihan e anavan un tammig an afer). Ma ne oa ket scrivet var lec’h : « …anavan eun tammig an afer », e vefe credet te a gomz divarben an teirved gourel. Kénavo ar wech all.

      Hocine NEDJAR.
      Lez anvet var FB : Dir Ha Tan.

    2. Talvezout a ra ma gaoz evit ar broioù diwezhañ lec’h ma eo bev ar brezhoneg c’hoazh, goût a ran ervat. Ne dalv ket evit Breizh Uhel, Bro-Wened, kêrioù bras Breizh-Izel… E-se n’haller ket kat ar memes sell, nag ar memes preder, war Breizh a-bezh.
      Ma sell eo hini unan bennak o chom en ur bourk bras e-lec’h ma vez kavet bern brezhonegerien c’hoazh, evel ‘ba peurrest Bro-Dreger. Endro da 50 vloaz zo brezhonegerien deus ar c’hentañ ‘bah ma farrouz. Ur paotr yaouank ‘bah hom c’hevredigezh n’eus ket ‘met 24 bloaz, ha desket brezhoneg propr gant kerent dezhañ. Er c’hlasoù ma on skolaer e-barzh zo 80% deus ar vugale hag o deus da vihannañ un den kar hag a oar brezhoneg ar vro (sontadeg graet ganin evit ar bloaz). Darn o deus 2, 3, 4 brezhoneger en o familh (un tad a-wechoù, tud-kozh, tud-ioù-gozh…). Kement ha lâret eo ral ar vugale n’o defe ket un darempred bennak gant ar brezhoneg evel ma vez kaozeet en Treger.

      Dam da se e kavan eo pec’hed kaout un touflez ken ledan-se etre ar skolioù brezhonek hag ar familhoù. Peadra a vefe da adlañsañ un dra bennaket kaer, adsosializañ un tamm ar brezhoneg, met ar yezh standard zo ur pezh skoilh din-me. Ma ne glaskomp ket tostaat muioc’h d’ar pezh a vez kaozeet en-dro dimp e c’hwitfomp libr.

      Din-me e renkfe an « unvaniñ » tremen war-lerc’h an adsosializañ ha cheñchamant sell ar vrezhonegerien a-vihannik war o yezh. Ar reoù-mañ diwezhañ a glefe bezañ an daou bal da dizhet a-raok d’ar reoù all. N’eus ket amzer da goll. Tud a-walc’h zo evit gallet bevañ en brezhoneg e-pad un tamm amzer c’hoazh.

      Evit ar pezh a sell ar cheñchamantoù skritur a bropozit on a-unan ganeoc’h da vat.

  9. Laouen on da lenn kement-se, met diwallit, tudoù ! Philippe Blanchet n’en doa ket graet ‘met traoù brav e bed an okitaneg… ‘po ket ‘met goul’ digant Claude Arnal, hag ur bern tud all. Mod all eo interessant-kaer ar preder : poent eo d’an holl vrezhonegerien mont e darempred gant ar re gozh, donaat o zamm brezhoneg gant tud ar vro, ha kaout startijenn a-walc’h evit mont pelloc’h. Kaozeal zo mat, eskemm ivez, ha peseurt raktres evit gwellaat an traoù ?

    1. Trugarez deoc’h !

      Philippe Blanchet n’eo ket arriet mat gant tout an dud en Okitania, nann ‘vat. Mont a ra pell a-walc’h deus tu difenn ar « provençal » a-enep d’an okitaneg unvan. Ne vanka ket leskel e breder a-gostez avat kar interesant eo ken eo.

  10. Dezmad d’an oll. Péguen plijadur am eus ez eus ama tud hac a c’hellont distaga eur gérig e brezouneg. Darn deus ouzoc’h a oar piou oun ha darn deus ar re all ne ouiont ked piou oun. Neuzé lavarin eur gérig divar ma fénn. Hocine Nedjar a zo graet deus ac’hanoun, ganet oun bet e 1965, er banlieu Bariz deus tud a zo orin deus Algéria. Pa am eus ganet ne veze comzet nemed arabeg gand ma zudou coz, Doué fardonno. Coulscoudé, ret eo din lavar ar wirionez, ma zud din mé a gomzé ganen nemed ar galleg, dreist ma vamm. Pa e oan nemed tri pe pevar bloaz oun bet er skol gall ha pegen am eus skuillet daérou ! Biscoaz ne c’helfen encoua an deiz se. Siwaz ma zud n’o deus ked dipleget din petra eo ar skol! Neuzé daoust ma oaj berr, mé a wele e oa daou be, unan hac a oa staget gand tud a veze ebarz ar pavillon e lec’h e veze clevet an arabeg hac ar galleg gand drémmou ne oant ked henvel eguet re am eus gwelet er skol. Gwelet am eus disoutu bedig ma skol ne oa ked hini an ty a chomen enni. Neuzé penoas ober ??! Pa oen 8 bloaz oun bet da véva e kéar Oran, en Algéria, eur gériadenn brav kénan gand eun hin méditérranéen deus ar re wella coulscoudé ret eo din deski an arabeg ha dreist an arabeg a veze comzet gand an algerianed evid béza digemeret ganto.
    Evid échu n’am eus nemed eur goulenn da ober deoc’h an oll. Ober a ran vardro ar brezouneg azaleg 1990, beteg henn am eus graet vardro 8 staj e Breiz a bez, an hini diveza e oa staj graet e kear Carhez gand ar Falz e miz Eost diweza coulscoudé me am eus merzet am eus eul livé eun tamig uhel egeut hini a zo kinniget deomp gand ar stajou ha pédi a ran ac’hanoc’h sevel tri devez digor é brezouneg. Pa lavaran digor c’hoant am eus ma vezo kempennet n’eo ked teir devez evid deski ar brezouneg hoguén teir devez e lec’h e vezo pédet brezonegerien da gomz a héd eun heurvez deus ar pez emaint o labour varna. Da lavaret galloud a rear ober an deiz kenta vardro fonetic ar brezouneg ha lakaat an devez se tri brezegenn er mintin ha tri en abardez hac a grogo an devez deus 9 heur ha quard beteg 18 d’an abardez gand an éhan café etré 11:15 beteg 11:30. An eil devez galloud a reont pedi scrivagnerien evel Herve Lossec, Yann Bijer, eun dén a zo hé ano Rolland… ha pep hini a c’hel ober eur brezegenn a héd eun heurvez. Evel just var lec’h pep prezegenn e vezo eun éskemm étre ar zall hac ar prezegour. Hac evid pep maread e vezo eun hanterour. An teirved devez galloud a rear lakaat enno tud pe enclaskerien a ra vardro ar folklor hac an istouer evel Daniel Giraudon, Nelly Blanchard…. Talvouduz kénan evidoun aoza deveziou evel ze evid uhéla livé ar vrezounegerien ha boaza anezo da géja etrezo. Reth deomp sevel an deveziou en eun doaré reiz evid ma ne vefe ked tabut var ar scrid pe traou evel ze. Reth deomp boaza ar Vrezonegerien gand ar skient uhel. Ne velan ked perak ne vezo ked savet deveziou evel ze ? Galloud a rear arc’hanta an deveziou ze gand yalc’hadou Cuzul Breiz, pe Tyer keriou pe memes an Drac(Direction départementale de l’action culturelle)… Stourm a ran abaoé dek bloaz dre facebook evid ma vije savet collokou e brezouneg. D’am menoz reth eo deomp kinnig ractresou uheloc’h a walac’h evid torri skeudenn « yez ar blouked » hac a zo ken staguet gand ar brezouneg. Mersi braz d’an oll. Mad e vefe deomp ober eur C’huzul Skientel deus 6 den evid beza er penn an deveziou e brezouneg ha me a vezo ebarz evel just.
    Hocine NEDJAR
    Lez anvet Dir Ha Tan
    needjar@yahoo.fr
    Ps: Galloud a rit cavoud ac’hanoun var FB dre ma lez ano Dir Ha Tan ha galloud a ret mond var ma strollad « Studiadennou brezeg ha keltieg ».

  11. Très intéressant et malheureusement trop vrai …

    J’ajouterais également l’emploi de l’incroyable « anavezout », qui n’est signalé qu’à Molène à l’origine, mais qui est parvenu à supplanter les plus communs « anaout », « anveout », « anvezout » … à l’école et dans les formations.

    Par contre, je ne partage guère ton optimisme. Les rênes du breton sont détenus par ceux qui souhaitent justement la disparition du breton populaire. Alors, à moins que l’Office s’ouvre à des bretonnants plus ouverts d’esprit, je ne vois guère comment la situation pourrait changer.

    Et d’ailleurs, l’Office fait du chiffres et non de la qualité. Les enseignants n’ont bien souvent qu’une année de breton derrière eux et sont encore à l’apprendre ! Il y a des exceptions certes (Douarnenez, Plozevet), mais malheureusement bien rares.

  12. Qu’a dit claude arnal sur blanchet ? J’ai invité claude à venir poster ici car il est cité de maniere desinvolte par une personne de diwan, par ailleurs journaliste…

  13. Je n’ai rien dit sur Monsieur Blanchet. Il y a erreur de personne et ça m’embête beaucoup d’autant que j’ai pris le temps de contacter l’auteur me citant. Je ne m’aventure pas sur des contenus que je ne maîtrise pas sachant que je ne suis pas locuteur en langue bretonne et trop fainéant pour me plier à un apprentissage (j’en connais qui vont sourire !). Je reste attentif à tous vos débats d’autant que passionné par la ré-appropriation du patrimoine et l’émergence de nouvelles formes de cultures en biens communs. A ce propos, et parce que j’en fais un combat : je souhaite que toutes les sources d’archives subventionnées publiquement (en quelque sorte dans le cadre d’une mission de service public…) facilitent l’accès aux données dans le cadre de licences de réciprocité ou creative commons donc LIBREMENT. Je le dis car cela me paraît essentiel pour que par exemple, les apprenants en breton puissent entendre toutes sorte d’expressions dans leur langue avec une diversité de terroirs. Je le dis aussi pour avoir travaillé à la Cinémathèque de Bretagne dont on fait aujourd’hui de ses fonds un « trésor » et non un outil d’Education Populaire bien qu’elle fut créée dans ce cadre…

  14. Pistes de socialisation, gizdiroufenn, pour detendre :
    – psychotherapie de groupe hors cadre politico-culculturel
    – rapatriement sanitaire du brezouneg en bretagne ouest
    -diminution des intrants chimiques (regle verte, sans mutations)
    – tous dans la machine à remonter le temps

    Keuz meus deus ar zul war ar meas, c’hoarz, kafe du ha krampouez Even a Lesneven da fourra.

  15. Les interrogations de ce texte me semblent tout à fait légitimes et j’apprécie la bienveillance des commentaires, soucieux d’être constructifs sans défendre de chapelles.
    Je suis moi-même un apprenant, peut-être bientôt enseignant, pressé de pouvoir améliorer mon niveau de langue lors de ma première année d’études.

    Expérience affective et attachement
    A mon avis, même si l’attachement à la langue peut se construire sur la musique d’un dialecte (le vannetais, pour ma part), ce n’est pas forcément l’unique appui. La langue bretonne et l’Emsav peuvent aussi s’inscrire dans un rêve alternatif qui s’élabore dans la contestation soixante-huitarde. Dans ce cas, la langue ne se contente plus de porter le message affectif d’un monde rural perdu, mais celui de l’autogestion, de l’écologie. Cela peut paraitre politique, mais c’est un socle supplémentaire, renouvelé, un peu comme la ronce qui reprend racine un peu plus loin. D’un monde rural perdu au XIXème siècle, on fait ainsi le saut vers le « Volem viure al païs » des années 70. Si on anticipe, le second saut nous porte peut-être vers une vie urbaine « bobo écolo à vélo », pour user d’images parlantes. La langue bretonne peut aussi se greffer dans ce nouveau monde. Je répète : il ne s’agit pas de rejeter de quelconques raisons affectives, mais de les multiplier et de donner sens à la langue dans ces divers contextes. Le breton ne peut pas être pour l’instant une langue de la normalité. La normalité, c’est le français et le breton, c’est un supplément d’âme (ou plus respectueusement pour le français, une autre forme d’âme).

    Dialecte et standard
    Dans cet environnement, j’ai le sentiment qu’il faut apprendre à articuler dialecte et langue standard. Le dialecte au quotidien et la langue standard à l’écrit, quand il faut user de néologismes et exprimer les concepts de la vie contemporaine. Aucun des deux n’a plus de légitimité que l’autre. Peut-être qu’à terme une appropriation du standard se fera. Peut-être qu’à l’inverse, une situation de diglossie se créera. Dans le monde, il existe des exemples variés, comme entre les dialectes germaniques (par exemple l’alémanique) et l’allemand standard, ou entre arabe littéral (c’est le terme utilisé) et arabe dialectal.
    Cependant, force est de constater que la demande d’enseignement en breton est forte dans l’est de la Bretagne. Il existe des classes à Rennes, Nantes et même Fougères. Des communautés bretonnantes s’y mettent en place. Faut-il y enseigner un dialecte particulier ?

    Socialisation
    Dans les villes précédemment évoquées et dans d’autres, des bretonnants se rencontrent et, dans des contextes évènementiel particuliers, y échangent spontanément en breton. Évidemment, il s’agit de quelques dizaines de personnes dans des villes de plusieurs dizaines de milliers d’habitants. Mais c’est une frange militante, investie dans le monde associatif et la vie citoyenne, qui est donc visible et a du poids. Il y a un tabou qui me semble perdurer, cependant : on parle de familles bretonnantes, d’éducation des enfants en breton, mais peu (ou pas) des rencontres en breton. Je parle bien de la rencontre amoureuse, la vrai, avec séduction et tout et tout ! Exprimé ainsi, on en rigole, mais c’est pourtant sérieux. La langue peut s’insérer comme d’autres valeurs dans un projet de vie de couple.

    Pour conclure, je reste optimiste, car je constate au quotidiens des bretonnants souples, heureux de s’exprimer dans le breton de leur région d’origine, mais soucieux d’échanger avec tous. Je n’ai pas constaté de chapelle fermée, mais surtout de la bienveillance parmi ceux qui continuent de faire vivre la langue au quotidien.

  16. A-du kreñv on ganeoc’h pa vez kaoz deus al liamm gant ar re gozh. Hervez a welan em labour yezhourez ‘zo fedoù grammadel n’int ket bet deskrivet biskoazh hag a en em gav barzh beg ar re yaounk bremañ, hep gouzout dezho, ha goude ma n’o doa ket bet kalz amzer gant ar re gaoz pa oant bugale. N’hall ket dont an traoù-se diwar ar galleg na diwar brezhoneg standard. Muioc’h ha buanoc’h e tap ar vugale a ziwar ar re asur er yezh evit ar re ziampart. Pouezus-kenañ eo eta lakaat ar re goz e touch gant ar vugale, memes ma dalv nebeut amzer.

  17. Belle analyse à laquelle je souscris très largement, Tangi.
    J’ai commis récemment un mémoire dans la cadre du D.E.C. Rennes2, qui s’intitule : « Apprendre les langues bretonnes en 2020 : quelles motivations ? Analyse critique des incitations à l’apprentissage des langues bretonnes ». J’y mets l’accent sur la problématique posée par l’offre d’enseignement traditionnel des langues de Bretagne à destination des adultes (ceux du « creux générationnel »), dans un contexte pourtant favorable (cote de faveur, sentiments positifs) mais plombé par un  coût (au sens de coût généralisé) trop lourd qui empêche le passage à l’acte d’apprentissage, en dehors de cas bien spécifiques.

    Puisque tu préconises un changement de paradigme, il est nécessaire de considérer que la génération sacrifiée (le creux générationnel) est très majoritairement représentée par des non-bretonnants -pour lesquels la question dialectale ne se pose même pas. Si on veut donner une chance de survie au breton et à sa transmission, il faut « attaquer » le gros de ces troupes. Comment ? En utilisant la cote dont bénéficie la langue dans la population générale (enquête TMO 2018), l’envie d’apprendre pour soi et pour ses enfants. Que fait-on avec cela ? On utilise par exemple les ressorts nostalgiques et émotifs, et on commence par appeler à une auto-collecte massive dans les familles. Pour conserver et pour préserver des centaines de milliers de témoignages. Que l’on met en accès libre et facile. La BD vocale de Brezhoneg Bro-Vear multipliée par 1000, provenant de 1000 autres lieux de collecte !
    Je souscris totalement à ce que demande Claude Arnal dans son commentaire : « A ce propos, et parce que j’en fais un combat : je souhaite que toutes les sources d’archives subventionnées publiquement (en quelque sorte dans le cadre d’une mission de service public…) facilitent l’accès aux données dans le cadre de licences de réciprocité ou creative commons donc LIBREMENT. Je le dis car cela me paraît essentiel pour que par exemple, les apprenants en breton puissent entendre toutes sorte d’expressions dans leur langue avec une diversité de terroirs. ».
    Oui, faciliter l’accès aux données, cela veut dire ouvrir les bibliothèques (qui n’a pesté un jour contre Dastum et ses verrouillages contre-productifs ?), mais cela veut dire aussi créer puis diffuser des outils simples, flexibles et gratuits permettant de s’exposer individuellement ou collectivement à la langue, de l’ENTENDRE, d’y accéder facilement et de choisir l’accent auquel on veut plus particulièrement se former…
    Je reprends un point de ton argumentaire car il me semble que tu mets un peu vite dans le même panier les possibilités du numérique et l’adaptation forcée de la langue « au monde moderne ».
    « un certain nombre d’initiatives pour le breton me paraissent bien secondaires. Que ce soit les efforts faits pour investir le numérique, pour lui forger de toute pièce un vocabulaire technique ou scientifique, et plus généralement pour l’adapter au monde moderne, j’ai comme l’impression d’une dispersion des efforts et d’une focalisation sur des usages au final anecdotiques. Or, toute cette énergie déployée pour permettre à la langue d’investir de nouveaux domaines et, in fine, rendre la langue « moderne », ne me semblent pas s’accompagner d’efforts équivalents pour faire vivre ses usages sociaux les plus élémentaires. Qu’on ne se méprenne pas, ces initiatives sont évidemment louables et nécessaires. J’ai cependant tendance à penser que l’essentiel n’est pas là et que l’urgence absolue est de réinstaller le breton dans les usages sociaux quotidiens plutôt qu’à broder un environnement numérique et intellectuel aux quelques milliers de bretonnants lettrés que nous sommes. ».
    Précisément, mon analyse est que pour franchir la barrière de se mettre à l’apprentissage de la langue, malgré la cote de cette dernière, il faut développer et utiliser à bon escient des outils numériques, pas dans le but de favoriser une langue technologique, mais pour rendre la langue historique et ses variations dialectales accessibles sans formalités à tous ceux qui ont envie de l’apprendre. Sais-tu quelle a été la réponse majoritaire à la question « Qu’est-ce qui vous motiverait à apprendre le breton ou le gallo ? », posée lors d’une enquête ? « L’accès à des applications mobiles » vient en tête des réponses avec, dans la tranche d’âge 15-25 ans, plus d’un répondant sur deux, suivi de « une plus grande liberté dans l’apprentissage », immédiatement après.
    Je pense qu’on ne peut pas faire l’économie de la compréhension approfondie des motivations à se mettre ou à ne pas se mettre à l’apprentissage de la langue, pour soi ou pour ses enfants…

  18. Cet article est écrit dans le français dont l’auteur critique l’équivalent breton.
    Ecrire « breton authentique », quelle vaste blague.
    Oui il y a eu une coupure. Mais même en écoutant des enregistrements sur cire des années 1900, on entend l’influence du français. Et même au pays de Galles, qui n’a pas subi la même coupure, on entend l’influence de la prosodie anglaise.
    Encore un article peu productif qui fait plus de ouin ouin qu’autre chose. En tout cas, on voit bien que ce n’est pas un linguiste qui écrit, car n’importe quel linguiste est au courant que l’uniformisation de la prononciation est lié à des marchés médiatiques/numériques dans des zones linguistiques lié aux langues véhiculaires, plus qu’autre chose.
    Bref, avec des alliés comme ça, pas besoin d’ennemis.

    1. La critique est toujours dérangeante, et désolé d’appuyer là où ça fait mal. Aujourd’hui, sans trop grossir le trait, un néo-brittophone et un locuteur natif sont incapables de communiquer en breton. C’est un échec monumental pour le mouvement de récupération de la langue, et il faudrait faire comme si de rien n’était ? Ou comme si c’était anecdotique ?
      Si nous sommes arrivés dans cette situation c’est, premièrement, parce que la rupture dans la transmission linguistique a été brutale, et deuxièmement, parce que le mouvement pour la langue bretonne a lui-même renforcé le phénomène par des choix plus que discutables qui ont sapé le peu d’estime qu’il restait aux locuteurs natifs envers leur langue. Par là, j’entends le processus assumé de substitution de la variété dialectale (méprisée) par une langue standard purifiée. Ce processus présente bien des avantages pour ses promoteurs, notamment le fait de ne pas avoir besoin de se confronter aux classes populaires bretonnantes (et de parler avec « l’accent breton », considéré comme bouseux). Cela fait qu’aujourd’hui l’on apprend un breton standard largement déconnecté des réalités langagières environnantes, et que ce fait est encouragé et légitimé par bon nombre de gens de l’Emsav (comme vous visiblement). Autrefois, l’école républicaine était fermée aux réalités culturelles et langagières environnantes. Aujourd’hui, nos filières bilingues et immersives font strictement la même chose avec une langue enseignée complètement déconnectée des pratiques langagières alentours. Beaucoup de promoteurs du breton standard s’en foutent en fait, et ont anticipé (espéré ?) depuis très longtemps la disparition complète des locuteurs natifs… en mettant ces derniers de côté dans le mouvement de réappropriation de la langue (on jugera de l’efficacité de la chose…).
      A propos des exemples que vous citez, effectivement, sur un enregistrement en breton de 1900, on pourra déceler une (très) légère influence de la prosodie française, comme une légère influence de la prosodie anglaise sur un locuteur gallois. Moi-même au Pays basque, je sais au bout d’une phrase de basque si le locuteur est d’Ipparalde ou d’Hegoalde, la prosodie française influençant légèrement le basque du nord et la prosodie espagnole le basque du sud. Ce sont des phénomènes assez naturels entre langues en contact, à fortiori dans des situations diglossiques. Sauf que dans tous ces exemples, nous en restons à une légère influence prosodique d’une langue sur l’autre, chacune de ces langues gardant par ailleurs un système phonologique et accentuel propre. Concernant le néo-breton, nous sommes dans un autre cas de figure. Ce « créole » (pour citer Mikael Madeg, qui en connait un rayon sur le plan de la phonologie du breton) a purement et simplement adopté le système phonologique et accentuel français (exception faite du [x], devenu emblème identitaire à lui tout seul). Comparer la prosodie d’un locuteur de 1900 et celle d’un néo-locuteur lambda de breton amènerait n’importe quel observateur neutre à constater que ce sont deux langues totalement différentes en apparence, la prosodie bretonne « authentique » ayant été remplacée à peu près complètement par une prosodie étrangère.
      D’ailleurs, le breton authentique est une « vaste blague » d’après vous. Qu’est-ce qui vous gêne ? La formulation ? Le concept ? Ou alors déniez-vous simplement l’existence de quelque chose que vous ne semblez pas connaître et encore moins maitriser ?
      « l’uniformisation de la prononciation est lié à des marchés médiatiques/numériques dans des zones linguistiques lié aux langues véhiculaires » Qu’es aquò ?

    2. Mr Gwuyonvarc’h, je n’avais pas l’intention d’écrire ici, mais votre réponse m’a profondément choqué et j’avais l’intention de rédiger une réponse détaillée à propos de votre absurdité concernant « avec des alliés comme ça, pas besoin d’ennemis ». Puis, j’ai réalisé que cela serait inutile car vous n’avez pas saisi le fond de l’article de Tangi. Au lieu d’utiliser les références aux recherches citées dans l’article, vous ecrivez de « ce n’est pas un linguiste qui écrit ». Apparemment, des linguistes aussi éminents qu’Uriel Weinreich ne sont pas non plus des linguistes pour vous. En tant que personne insignifiante, vous remettez en question le travail acharné de personne qui consacrent leur vie à la préservation de leur langue des ancestres. Avec des alliés comme vous, pas besoin d’ennemis.

      Et oui, le concept de « langue authentique » vraiment existe, surtout dans le contexte des grandes langues comme le russe ou arabe. Je vous écris ceci en tant que linguiste qualifié.

  19. Interesant-bras eo ho pennad-preder hag ar respontoù zo bet da heul (war bouez re Dir-ha-Tan !). Evidon-me, o vezañ m’emaon o chom e bro Chelgenn (Sizun), n’eus ket kalz a gemm etre ar yezh skrivet hag ar yezh kaozeet. A-du-tre on gant Klaod ar Ruyet : un nebeut reolennoù a zo da gelenn hag un nebeud kemmoù a ranker degas d’an doare-skrivañ.
    Ar yezh am eus treuzkaset d’am bugale a zo yac’h, a gav din, met o vezañ m’emaint o chom pell diouzh ar vro pe m’int dimezet gant gallaoued, em eus kollet ar spi da welout va bugale vihan o kaozeal brezhoneg ganin.

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